A contrario des autres styles de jeu, en dehors bien entendu des Slender et compagnie, le genre horrifique n’est pas le plus répandu sur le Playstore. Et je trouve qu’il s’agit d’une véritable injustice ! Ouais, carrément ! Une injustice ! Personne ne s’y intéresse ? Mais, enfin, messieurs les développeurs, il y a carrément moyen de gagner sa croûte en dehors de simplement donner des pains comme dans un jeu d’action. Même en essayant de faire peur. C’est salvateur de faire peur, car la peur nous donne foi en la vie. J’avais lu une étude concernant les films d’horreur à ce sujet. Et je ne blague même pas. Avoir peur vous donne la sensation décuplée d’aimer la vie. Alors pourquoi se priver hein ? C’est sans doute ce que se sont dit les studios Phoenix Online Studios LLC, avec leur nouveau jeu, qui, on l’espère, enfoncera certaines portes : The Last Door, Collector’s Ed.
Rien que le nom fait frémir, n’est-il-pas ? Non ? Bon, ce n’est pas bien grave. D’ailleurs on ne juge jamais la qualité d’un jeu selon son nom. Comment ça, je l’ai déjà fait ? Ah ouais ? Bon, c’est possible, mais bon comme le disait Jean Ferrat : « Le poète a toujours raison ». Oui, je sais, on parle d’un poète. Bon, il faut s’adapter alors…Euh…Comme le disait Omar Boulon dans Canard PC : « Le testeur a toujours raison ». Et je pense qu’il a raison sur toute la ligne ! Bref, je me rends bien compte que ma qualité vanesque fait carrément frémir. D’ailleurs, j’en frissonne même. C’est ce que l’on demandera à The Last Door, nous faire frissonner de plaisir, sinon on ne fera pas le gong en perdant notre temps et on prendra la porte directement.
Un point où l’on a peur de cliquer
Un bien grand titre de paragraphe pour une peur pas si grande que ça. D’ailleurs, mettons tout de suite les pendules à l’heure, si vous n’aimez pas voir peur ou simplement être effrayé, The Last Door n’est clairement pas un jeu pour vous. Ainsi vous pouvez regagner la lumière, vous avez ma bénédiction. En revanche, si vous êtes de ceux pour qui Slender est une partie de rigolade, vous pouvez rester. Et je vous le conseille vivement.
Et encore que, The Last Door pourrait intéresser ceux qui ont facilement la crainte de faire sur eux. Simplement parce qu’il est loin d’offrir un visuel directement effrayant, mais il décrit plutôt, comme nous le verrons plus tard, une ambiance noire. Très noire. En outre, pas de monde en 3D cherchant l’immersion visuelle afin de créer le sentiment de peur, ni d’action frénétique poussant au stress, juste un point and click à l’ancienne, emmené par un scénario qui rappellera les œuvres de Lovecraft. Bonne inspiration s’il en est.
Tout commence, car, oui, il faut bien un commencement à toute chose, par une lettre. Petit bout de papier envoyé par son ami d’enfance, un certain Anthony Beechworth (lequel terminera très mal dès l’introduction). Une lettre qui révèlera que quelque chose ne tourne pas rond dans la tête de ce cher Anthony et qui poussera sa connaissance de jadis, Jeremiah Devitt, à venir prendre quelques nouvelles dans son manoir.
L’action se déroule en Grande Bretagne, la Grande Bretagne de la fin du 19eme siècle pour être précis, et vous emmènera dans une aventure glauque, sombre, avec ce qu’il se doit d’énigmes pour tenir à cran les plus endurants, et les plus réfléchis d’entre vous, le tout dans la vieille tradition des « point and click à l’ancienne ». Avec un inventaire dans le bas de l’écran pour tous vos objets trouvés que vous devrez combiner parfois pour vous débloquer. Vraiment à l’ancienne. Mais vraiment à l’ancienne, hein (si vous ne m’avez pas compris).
Ambiance, Ambiance…
Il faut se resituer à une époque lointaine pour retrouver ce style d’ambiance très pesant, limite malsaine. Remonter aux années 90, de mémoire de joueurs, pour retrouver un point and click basé sur le même thème, et offrant les même signaux relatifs à la peur. Darkseed, tel était son nom même si son univers était davantage lié à celui de feu Giger. Ou bien encore, plus proche de The Last Door, le mythique (n’ayons pas des mots) Shadow of the Comet. D’ailleurs, notre jeu en reprend bien des aspects.
A commencer, notamment, par un style graphique un peu désuet, pour ne pas dire aux antipodes de ce qui se fait actuellement, même en matière de pixel-art. Au premier abord, ça pique aux yeux, et pas qu’un peu. C’est assez grossier, mais pour autant, on arrive parfaitement à distinguer ce qui doit l’être ou pas. Pour tout vous dire, même Shadow Of the Comet émulé paraît plus beau. Mais, justement, la laideur relative de The Last Door permet, paradoxalement, de mieux rentrer dans l’histoire, grâce, notamment à une réalisation impeccable touchant vos oreilles.
Flatter l’œil est toujours important, mais flatter l’ouïe l’est tout autant, même si le silence est parfois d’or (ouais ! L’ouïe d’or…j’ai réussi à la caser !). Ainsi, la musique composée d’une main et d’une oreille de maître par Carlos Viola vous emmènera autant dans les abymes que l’histoire en elle-même, les bruitages ne sont pas en reste, donnant ainsi un sentiment d’unité très appréciable au sein de The Last Door. Si bien que malgré la pauvreté visuel, on se laisse vraiment porter par le jeu, et son côté malsain vous donnera quelques sueurs froides que vous n’essuierez pas d’un revers de manche puisqu’elles sont synonymes de véritable plaisir.
Quelques bémols (non pas dans la musique) restent néanmoins à émettre. Certains n’accrocheront pas à cet univers bien trop sombre pour être mainstream (la scène du début est carrément à déconseiller aux âmes les plus sensibles voire les plus pures). Sans compter que l’utilisation de la langue de Shakespeare ou de la langue de Juan Carlos, à ne pas confondre avec le Viola précité, risque d’en rebuter plus d’un qui mettra avec sa verve habituelle en notation sur le Playstore « Wé, say nul lol ! Jvai devoir raivysay de l’english lol ! ». Néanmoins, comme le jeu ne leur est pas prédestiné à la base…
Adaptation d’un succès indépendant sorti sur PC, The Last Door est une petite perle. Une perle noire presque parfaite qui siégerait facilement dans le top 10 des jeux d’aventure sur Android. Rien que ça. Rien que pour la qualité de l’ambiance. Rien que pour la qualité de l’histoire à l’écriture aussi sobre qu’elle demeure angoissante. Les studios Phoenix Online Studios LLC frappe un grand coup, c’est certain. Bien sûr, il faut aimer le côté horrifique de l’œuvre. Bien sûr, il faut aimer son côté très épuré graphiquement parlant. Bien sûr, il faut aimer les « point and click » d’un autre temps. Je sais, ça fait beaucoup de « bien sûr ». Bien sûr qu’il faut aimer tout ça. Mais, franchement, si c’est votre cas, n’hésitez pas un instant ! 3.20 euros pour débloquer l’ensemble des épisodes n’est rien comparé au plaisir de la frayeur procurée. Pour ceux qui hésiteraient encore, sachez que le premier épisode demeure disponible gratuitement. Une bonne idée pour mouiller son froc avant de se décider, mais jamais le pipi n’aura senti aussi bon.
- L'histoire
- L'ambiance horrifique fort bien rendue
- La bande son
- Le côté rétro bien maîtrisé
- Les graphismes un peu grossiers
- Disponible uniquement en anglais et en espagnol